Assise dans sa calèche ouverte, Lilith était anxieuse, la journée ne s'était pas très bien passée et elle avait peur que la soirée ne soit pas mieux. Il lui était inconcevable d'imaginer que tout soit un échec, elle avait préparé et organisé elle-même cet événement depuis plus de six mois. Si elle ne parvenait pas à rétablir la situation au plus vite, elle risquerait de devenir la risée dans le milieu mondain. Lilith cria à l'intention du cocher :

- Plus vite.

La noble ne pouvait pas se permettre de ne pas avoir une tenue convenable pour la levée de fonds qui était prévue ce soir même dans la résidence d'un de ses amis qui avait voulu participé activement à son projet. Depuis la perte malheureuse de son mari, Lilith s'acharnait de servir au mieux la reine Erya en organiser des collectes d'argent auprès des plus riches nobles pour par exemple aider l'armée à s'approvisionner en plantes médicinales.

Depuis maintenant plus d'un an, Lilith avait organisé près de dix soirées pour divertir tellement les nobles qu'ils n'hésitaient pas à faire de très gros chèques. Cette soirée en bord de plage devait être l'une des plus réussies, Lilith espérait beaucoup pour pouvoir aider cette fois là les orphelins de la nation en soulevant suffisamment de fond pour créer un nouvel orphelinat dans la région et agrandir celui de la capitale.

Un projet noble, mais qui nécessité cependant à Lilith d'être irréprochable. Et qu'elle ne fut sa détresse quand elle remarqua dans la matinée que le seul pendentif qu'elle avait amené, son préféré, avait subit des dommages dans le transport. Il n'était pas le plus chère, ni le plus à la mode, mais il était celui que son mari lui avait offert en apprenant la venue de leur enfant. Il était spécial. Elle le portait toujours sur elle comme une armure.

C'est ainsi qu'elle s'était ruée à l'entrée du manoir de son hôte dans les plus brefs délais. Enfilant une tenue simple à mettre, c'est à dire une chemise de soie crème et un pantalon de cuir brun surmonté de cuissardes en un cuir bien plus mat et foncé. Elle enfila par-dessus une cape rouge. Elle ne prit pas le temps de se coiffer, ses cheveux toujours en bataille. Puis elle se saisit d'un petit sac noir et y glissa la collier avant de partir.

Elle avait alors demandé à son hôte si elle pouvait emprunté son voiturier pour une petite course. Il avait été plutôt surpris et désappointé de la trouver dans une telle tenue, mais elle ne lui laissa pas de le temps de la questionner et partie rapidement après l'avoir remercié. Le cocher lui avait dit connaître le meilleur forgeron de la région et c'est ainsi qu'elle se retrouva à le presser d'accélérer. Elle avait encore tant de choses à faire pour la soirée à venir.

Ses cheveux, d'un blond doré, lui fouettaient le visage. Elle passa ses doigts dedans pour les retenir sur le côtés, elle n'avait pas l'intention de s'en plaindre, bien au contraire. Cela signifiait que le cocher n'hésitait pas à aller aussi vite qu'il pouvait, cependant, Lilith aurait du se montrer plus prudente, car sa fougue s'était répercutée sur le pauvre homme qui ne réussit malheureusement pas à maîtriser sa voiture.

Prenant un virage bien trop rapidement, la calèche partit sur le côté et se retourna, entraînant avec elle le cheval qui était en train de la tirer. La sensation fut des plus désagréables, Lilith eut l'impression que le monde avait tourné tout autour d'elle. Elle avait été sonnée, mais n'eut aucune blessure.

La laguz se releva d'ailleurs avant que le cocher la rejoigne en titubant pour lui demander :

- Vous allez bien madame ? Je vais chercher immédiatement...

Elle ne lui laissa pas le temps de continuer sa phrase et le coupa sèchement :

- Je vais bien ! Je vais continuer à pied. Vous occupez vous de vous et de la voiture de votre maître.

L'essieu s'était cassé, son ami ne lui en voudrait pas pour cela, mais elle était énervée d'être ainsi obligée de continuer à pied. De plus, elle était maintenant obligé de retirer quelques brins d'herbes qui s'étaient emmêlés dans sa chevelure. Tâchée de terre, elle avait l'impression de ressembler à une paysanne, même si la qualité de ses vêtements disaient indiquer clairement qu'elle était une femme possédant des moyens.

Peu importait à cet instant, elle se retrouvait comme le commun des mortels, sale et à devoir courir sur la route pour ne pas perdre de temps.

Lilith s'arrêta au bout de dix minutes, lorsqu'elle aperçut au loin le village de pêcheurs. Les joues rosies par l'effort, elle reprit alors son pas de course, même si elle n'avait pas l'habitude de courir de la sorte, elle arriva relativement sans être essoufflée. Quelques visages se tournèrent vers elle, en particulier une vieille femme à l'ombre de son perron en train de réparer un filet de pêche.

Lilith ignora son regard insistant et se mit à la recherche du forgeron. Ses oreilles de lynx se levèrent à l’affût de moindre bruit de métal.

Cela faisait maintenant près d'une heure et demi que Lilith avait quitté et qu'elle tournait dans le village. Elle s'était rendue immédiatement à la forge, mais le commerçant d'à côté lui indiqua que le propriétaire était parti tôt dans la matinée et avait prévenu qu'il fermait pour aujourd'hui jusqu'à la semaine prochaine. Elle avait alors tenté de trouver quelqu'un dans le village qui pourrait régler son soucis, mais elle ne fit qu'attirer les convoitises.

Pris par la panique et le besoin de faire vite, Lilith n'avait pas réfléchi en montrant son collier à presque tout le village. Quand elle reprit la route pour tenter de rattraper le forgeron, car un de ses amis avait confié à la lynx qu'il s'était sûrement retiré dans sa cabane de pêche en bordure de l'océan, Lilith ne remarqua pas qu'elle était suivi. La jeune femme avançait lentement dans le sable, peu habitué à ce genre de terrain, ses pieds s'enfonçaient et cela ne faisait que la ralentir.

La jeune femme commença à désespérer. Elle n'avait pas l'intention d'abandonner, mais elle commença à s'imaginer mille catastrophes. Et si elle ne rentrait pas à temps à la réception ? Elle était partie sur un coup de tête, sans donner d'instructions si elle rentrait plus tard que prévu et elle était maintenant sans moyen de transport pour rentrer et en train de se perdre sur cette plage qui lui semblait infinie.

Lilith s'arrêta alors un instant sur un rocher, elle n'avait pas l'intention d'abandonner, mais toute cette marche l'épuisait. L'air marin lui fouettait le visage et elle était forcée de plissée les yeux à cause du vent qui soulevait le sable. Alors qu'elle se relevait, préférant reprendre sa route, celui qui l'avait suivi jusqu'ici se décida enfin à se révéler. Son visage était fin, mais possédant encore quelques traits enfantin.

Faisant presque la taille de Lilith, cet adolescent a la crinière en bataille lui lançait un regard plein d'animosité. Il ne dit rien et la lynx soutient son regard silencieusement.